Thibaud Vézirian « Hors Antenne »

Interview

Thibaud Vézirian « Hors Antenne »

Si les projecteurs sont souvent braqués sur les journalistes sportifs les plus célèbres, notamment lorsque ceux-ci apparaissent à la télévision, cela ne les empêche pas d'avoir du recul sur leur profession et sur les différents médias de sport. Ainsi, Beside Sport livre une interview "Hors Antenne" aux dignes représentants du métier de journaliste sportif !

Si vous suivez les émissions de sport à la télévision alors sa tête ne vous est pas inconnue ! En effet, Thibaud Vézirian squatte la petite lucarne depuis une décennie que cela soit sur LCI, TF1, D8 ou encore CNews. Véritable couteau suisse du journalisme web ou sportif, Thibaud nous en dit plus sur son parcours, son rapport au métier ou encore ses envies futures…le tout avec une bonne humeur communicative et un humour décapant !

Y a t-il un journaliste sportif ou autre qui t’a inspiré dans tes débuts dans le métier ?

Dans mes débuts, j’ai toujours été captivé par Eugène Saccomano qui avait une voix incroyable, une passion et une énergie de fou. Je parle du Eugène d’il y a 15 ou 20 ans qui était complètement survolté. Je me suis toujours dit, « c’est génial cette passion qu’il transmet à sa façon et avec en plus bienveillance »…pas du tout dans l’excès comme certains ont pu l’être ces dernières années. Ce n’était pas un sniper mais il générait plutôt une ambiance de famille et de passionnés du sport.

Faire de l’antenne, c’était un objectif ?

Pas du tout ! Moi, j’ai fait du foot, sport-études et j’étais à fond là-dedans. J’ai toujours voulu être journaliste mais on m’a toujours dit :  » De toute façon, c’est comme le foot, tu n’y arriveras jamais, c’est impossible ». Et en fait, au gré des relations via le foot mais également ma curiosité, on a fini par me proposer d’être pigiste d’un quotidien régional, « La Montagne » en Auvergne, les soirs et les weekends en plus de mes études. Et je me suis lancé là-dedans à fond en prenant tous les articles possibles et imaginables dans tous les domaines, pas que dans le sport, car je voulais juste connaître et apprendre. A aucun moment, j’étais programmé pour faire de la télévision et celle-ci est arrivée un peu toute seule lorsque LCI, en 2007, recherchait un stagiaire en urgence. J’ai répondu car c’était un moment, où moi aussi, je cherchais un stage. Et boum, ils m’ont appelé et le surlendemain, je commençais. Ensuite, j’ai appris sur le tas, j’ai été formé au montage, à tourner, à faire un sujet, à faire de l’antenne, des chroniques et présenter des émissions. Donc aucun plan de carrière pour ma part !

Y a t-il un média qui t’attire outre que la télévision ?

J’ai toujours aimé l’écrit. Mais j’ai rapidement adoré le web car dès 2007, j’ai eu la chance de participer à la première émission de télé où on parlait que de l’actu vue du web. Cela s’appelait « LCI est à vous » et on faisait un JT d’actualités uniquement avec les sujets dont parlaient les gens sur internet et du coup, j’ai toujours été sensibilisé à ça. J’ai vu naître Twitter, Facebook mais aussi les nouveaux métiers de community manager se créer et tous les autres. Je suis peut-être un peu plus vieux que la génération internet mais moi j’adore. Après la radio pourquoi pas même si j’en ai très peu fait.

Les journalistes sont souvent à la pige et n’ont pas forcément de contrat d’exclusivité. N’est-ce pas souvent un peu compliqué de ne pas avoir ce côté sécurité de l’emploi ?

Quand on fait ce métier, c’est justement pour ne pas avoir de sécurité et pour vivre des aventures toutes les saisons. Si on prend mon cas personnel, j’ai fait 8 ans et demi de CDI dans le Groupe TF1 et j’en suis parti pour être à mon compte, être libre et pouvoir rencontrer des gens. Je ne suis plus bloqué par des contrats d’image avec une seule boîte, enfermé dans des studios où tu vois tout le temps la même personne. Le journalisme, c’est les rencontres, la curiosité, les échanges et aujourd’hui, il y a beaucoup trop de gens qui sont enfermés, notamment à l’intérieur du périphérique parisien. Il faut sortir à la rencontre des gens, faire vivre les émotions. Et du coup, pouvoir avoir cette liberté, qui a ses désavantages aussi bien sûr, (pas payé l’été quand pas de boulot, pas de chèques vacances, pas de 13ème mois,…), c’est une vie de journaliste réel.

Après il sera sûrement tant de changer un jour mais clairement notre génération, on ne fera pas le même métier toute notre carrière. Il faut savoir prendre ce qu’il y a de bien au bon moment.

Animer des conférences, des colloques, etc…c’est un passage obligé pour arrondir ses fins de mois ? 

Ça m’est arrivé, notamment j’ai animé la journée de présentation de Paris 2024 quand Emmanuel Macron est venu au Pont Alexandre III pour faire du tennis-fauteuil etc. Tout ce qui a trait avec mes passions, le foot, le sport, la NBA, le basketball, le tennis,…je peux l’accepter si c’est sur mon temps disponible. Ce ne sera jamais une priorité.

Après j’ai fait aussi des choses gratuitement et le principe pour moi, c’est de rencontrer des personnes avec qui ça se passe bien et avec lesquelles on peut faire des choses sympas.

Quelle émission existante dans le sport rêverais-tu de présenter ?

Le Canal Football Club…c’est une super équipe, le premier rendez-vous que les fans de foot attendent le dimanche soir. Je changerais des choses mais c’est le truc ultime même si, comme je l’ai dit, je n’ai aucun rêve particulier là-dedans. Ce n’est pas du tout un objectif.

Et quelle émission rêverais-tu de créer dans le sport ?

J’aimerais créer une émission plus proche des gens, beaucoup plus d’interactions avec les téléspectateurs, avec beaucoup plus de sportifs en plateau sur un ton un peu à la « Beside Sport », à savoir un ton naturel. Cela permet alors aux gens de faire ressortir plus facilement leurs émotions car il ne faut pas se mentir, beaucoup de sportifs arrivent en plateau et n’ont rien à dire car ils ne sont pas en confiance. C’est compliqué d’aller dire des choses quand on sait qu’on a de grandes chances de se faire piéger. Moi je suis pour que les gens viennent et que tout le monde soit en communion, biens, et même si on se dit les choses.

Une émission comme « Au Tableau » où les enfants posaient des questions à Kylian Mbappé, t’en pensais quoi ? Pas trop scénarisée ?

La télé, c’est de l’image donc il y a toujours une part de scénarisation pour qu’il se passe quelque chose et qu’il y ait un peu de spectacle. « Au Tableau », j’adore ! C’est une belle belle idée et la réalisation est super propre. Je suis à fond pour ce type de concept et en plus pas question de mettre en avant un animateur ou un journaliste, la star c’est l’invité et les enfants.

Commentateur sportif, cela pourrait te plaire un jour ?

Ça m’est arrivé de le faire devant des matchs avec des potes type Fifa ou PES à l’époque. Après, c’est selon les opportunités, je ne tuerai pas père et mère pour faire ça mais cela pourrait être un kiff de le faire. La seule chose où je suis un peu en retrait, c’est les questions bord de terrain. On me l’a déjà proposé et j’estime que ça tombe à l’eau à chaque fois car c’est au moment où le sportif est fatigué, n’a pas envie de répondre et est souvent à côté de la plaque. Les questions sont forcément un peu bateau et c’est un exercice qui, moi personnellement, me plaît un peu moins.

Tu penses quoi du travail de Julien Cazarre notamment avec sa chronique dans J+1 ?

Exceptionnel ce qu’il arrive à créer ! C’est un vrai grand talent avec ses équipes car il n’est pas tout seul. Maintenant, au bout de plusieurs années, je l’attends sur autre chose et j’aimerais qu’il arrive, même si c’est très compliqué, à se renouveler un tout petit peu. Les blagues sur Aulas, sur les couilles,…C’est génial mais j’aimerais bien qu’on lui donne un peu plus de place ou alors qu’il fasse quelque chose de très fort sur YouTube. On a bien kiffé…maintenant à lui de nous surprendre !

Que penses-tu de cette génération de journalistes un peu à l’ancienne comme Nelson Monfort ou Patrick Montiel qui sont encore sur le service des sports de France Télé. Le journalisme sportif actuel, c’est encore eux ?

Ils ont énormément donné et nous ont fait vivre des moments de sports grandioses avec leurs voix. Tout le monde les connaît. Nelson Monfort, c’est un immense personnage du journalisme sportif. Après une nouvelle génération arrive, une autre part, il y a une certaine logique. Je ne suis pas pour « mourir sur scène » et je comprends les gens qui n’arrivent pas à décrocher. Après Nelson Monfort en a encore un peu sous le pied. Je respecte le travail des gens et s’ils sont encore compétents alors il n’y a rien à dire. Après certains ont déjà déraillé en fin de carrière et à ce moment là, il faut savoir dire stop.

Y a-t-il un événement sportif que tu rêverais de couvrir ?

J’ai eu la chance depuis 2007 en télé de vivre 3 Coupe du monde…alors certes depuis Paris. J’ai vécu des choses très fortes en chaîne info avec des lives comme la mort de Michael Jackson, Nelson Mandela. On était les premiers à les annoncer. Concernant les évènements sportifs, j’ai vécu aussi des JO. Après je n’ai jamais été sur place donc cela pourrait être cool mais je n’ai jamais été tapé aux portes des directeurs de rédaction pour que l’on m’envoie sur place.

Beside Sport - Thibaud Vézirian « Hors Antenne » -  -

Quel sportif rêverais-tu d’avoir 1h pour une interview en face à face ?

Roberto Baggio, mon idole ! Un mec à part dans le foot dont beaucoup de gens se souviennent pour son tir au but raté en finale en 1994 mais c’est bien plus que cela. C’est un pur génie du football sans capacités physiques incroyables comme certains robots d’aujourd’hui. Et ce mec, proche du bouddhisme, qui n’a jamais voulu faire carrière dans les médias, qui était différent tout simplement, j’aimerais percer un peu plus la psychologie d’être humain et de génie du foot des années 90.

J’ai eu la chance de faire Ronaldo le Brésilien une fois en face à face, je suis resté 1h30 avec Zidane donc j’ai vécu aussi de bon moments. Après en foot, Roberto Baggio, en Boxe Mike Tyson, et moi, vous ne le savez peut-être pas mais j’ai un fort intérêt pour le catch donc l’immense star « The Rock » devenue star hollywoodienne sous son vrai nom de Dwayne Johnson.

Et si tu avais un des 3 devant toi, quelle question lui poserais-tu ?

« Comment fait-on pour ne pas péter les plombs ? Comment fait-on pour vivre cette vie où on a tellement d’argent que l’on ne peut pas l’utiliser ? Comment fait-on pour avoir cette vie où l’on ne peut même pas sortir ? » C’est quand même très particulier et les gens ne se rendent pas compte qu’il faut être très très fort dans la tête.

Pour toi, quel est le meilleur intervieweur ?

J’aime beaucoup les face à face d’Olivier Dacourt, l’ancien joueur de Strabourg, etc…avec Canal +. Il a une vraie proximité et il fait dire de vraies choses. J’adore aussi les entretiens de Raphaël Domenach dans le Canal Football Club mais c’est mon pote donc c’est un peu subjectif.

As-tu l’ambition de t’éloigner du journalisme sportif pour aller explorer l’information pure ou du divertissement comme par exemple l’ont fait Gilardi, Estelle Denis ou Thomas Thouroude ?

J’ai toujours eu de l’attrait pour l’infotainment ! J’ai toujours kiffé pouvoir faire des émissions, des contenus non anxiogènes car pour moi, c’est le drame des médias aujourd’hui, c’est de tout le temps être dans le sale. Moi j’ai envie de donner le sourire aux gens quand ils ont passé une journée harassante du fait d’un boulot très difficile. Je veux qu’ils passent un bon moment tout en s’informant. Donc oui l’info jusqu’au divertissement me plaît beaucoup et je l’ai côtoyée via « Touche pas à mon Sport » en travaillant tous les jours avec Cyril Hanouna qui, pour le coup, est le roi du divertissement. C’est quelque chose que j’ai en moi, même s’il y a beaucoup de comédiens qui font de l’antenne et moi je ne fais pas de « Stand-up ». Chacun sa formation et moi je reste journaliste.

Le sport, cela représente quoi dans la vie de Thibaut Vézirian ?

Tout ! Dès l’âge de 4 ans et demi, mon père a réussi à m’inscrire à l’école de foot car j’arrêtais pas de casser les vases dans le couloir de la maison à taper dans un ballon. Tout petit aussi, je me suis passionné de basketball en lisant, avec 2 jours de retard, le journal L’Equipe, qui donnait les résultats de la NBA. Je suis tombé le mercredi, avec mon frère, sur le catch sur Canal+ et direct j’ai accroché. Donc il y a beaucoup beaucoup de sports qui m’ont fait vibrer.

Quand je me suis lancé dans le journalisme, on m’a dit « Ne vas pas dans le sport, tu vas être catalogué comme un débile ». Donc je suis rentré par la grande porte de l’information généraliste, je me suis éclaté mais on finit par être rappeler à ses premiers amours. Estelle Denis m’a dit : « Viens sur C8, on va faire du sport, on va s’amuser. » Je n’ai pas réfléchi à deux fois car c’est ce que je veux faire. Si je n’ai pas mes 2-3 foots par semaine avec mes potes, vous pouvez demander à ma femme, elle me dit « Va faire ton foot, tu me saoules » !

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BS

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