Maureen Jenkins, « la tête hors de l’eau »

Interview

Maureen Jenkins, « la tête hors de l’eau »

La natation synchronisée, voilà peut-être une des disciplines olympiques les plus confidentielles...et pourtant il existe une belle équipe de France symbolisée par la talentueuse Maureen Jenkins !

Danser dans l’eau, voilà une version simplifiée de la natation synchronisée ! Sur le papier, cette discipline sportive semble séduisante et pourtant sa visibilité et sa notoriété sont presque nulles en France. Alors effectivement l’équipe de France ne fait pas partie des meilleures mondiales mais la génération actuelle peut nourrir de beaux espoirs que cela soit avec une qualification pour les prochains Jeux Olympiques de Tokyo mais surtout pourquoi pas une médaille lors des JO de Paris en 2024. Et pour parvenir à ces échéances, la France peut compter sur une jeune fille de 19 ans aussi douée que compétitrice et rayonnante. Ainsi, Beside Sport vous présente Maureen Jenkins, une athlète dont le nom ne sonne pas forcément français mais qui pourrait bien sortir la tête de l’équipe de France de natation synchronisée hors de l’eau !

Maureen, peux-tu te présenter ? Ton âge ? Ta discipline ? Ton palmarès ?

Je m’appelle Maureen Jenkins, j’ai 19 ans et je fais de la natation synchronisée. Je suis à l’INSEP et en équipe de France depuis 2015. Niveau palmarès, j’ai fait 2 fois les championnats d’Europe et 3 fois les championnats du Monde. Cet été, aux Mondiaux, on a fait 9ème en équipe technique et en équipe libre et 5ème en highlights.

Peux-tu nous parler de ton enfance et de ta famille ?

Je suis née à Barcelone d’une mère espagnole et d’un père anglais. J’ai rapidement vécu en France donc j’ai la double nationalité. J’habitais à Paris mais ensuite j’ai été prise au pôle France à Strasbourg. Et comme mes parents avaient trouvé du travail là-bas, on a déménagé et c’était bénéfique pour moi aussi. Enfin, j’ai une petite soeur de 16 ans avec qui je m’entends très bien et qui est comme ma meilleure amie.

Comment est arrivé le sport dans ta vie ?

Mon père, Ian Jenkins, a fait les Jeux Olympiques d’hiver de Sarajevo en 1984 en patinage artistique (couple) et ma mère, Sandra Escoda, a participé aux championnats du monde en 1987 également en patinage artistique (individuel). Forcément, j’ai toujours baigné dans le monde du sport et j’ai essayé de nombreuses disciplines. J’ai fait du patinage artistique, de la danse, du tennis mais moi et les balles, ce n’était vraiment pas ça (rires). Et comme je faisais beaucoup de natation et de danse, ce sont les deux disciplines qui me plaisaient le plus, j’ai fini par essayer la natation synchronisée. J’ai alors dû choisir entre le patinage et la « synchro » et j’ai opté pour la deuxième option…pour moi cela faisait beaucoup moins mal lorsque l’on tombait (rires).

Quel était ton rapport à l’école ?

J’aimais bien l’école mais j’avais mes matières. Je suis très douée en langues et je suis relativement studieuse. J’ai toujours dû combiner le sport et les études mais je m’en sortais plutôt bien.

Le sport t’as permis de grandir plus vite ?

Totalement ! J’ai toujours été beaucoup plus mature que les filles de mon âge à l’école notamment car je pratiquais mon sport avec des filles plus âgées. J’ai assimilé certaines valeurs beaucoup plus tôt et cela m’aide dans ma vie de tous les jours.

Comment as-tu découvert la natation synchronisée ?

Un jour, je suis allée voir un gala et cela m’a énormément plu. Du coup, j’ai essayé et j’ai rapidement accroché. Ma première expérience en « synchro » était très difficile car forcément tu coules. Mais ce que j’adore avec ce sport, c’est que tu essaies plein de fois de trouver la solution dans ton corps surtout au niveau des appuis avec l’eau afin de monter.

 

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Quel rapport entretiens-tu avec l’élément eau ?

Je me sens bien dans l’eau contrairement à la terre (rires). J’ai des difficultés à rester 2h debout car je vais tout de suite avoir mal au dos, sentir mes muscles qui me tirent alors qu’en soit, je suis une sportive de haut niveau. C’est tout simplement car je ne suis pas habituée à être à l’extérieur, à sentir cette gravité qui nous tire vers le sol alors que je suis toujours un peu en apesanteur dans l’eau. Même quand je sors avec mes amis et que je danse, c’est parfois délicat…il faudrait que l’on fasse que des « pool party » (rires) !

Est-on forcément une bonne nageuse pour faire de la natation synchronisée ?

Oui c’est important même s’il ne faut pas forcément nager super vite mais il faut bien sentir les appuis sur l’eau. On a toutes fait de la natation auparavant et encore aujourd’hui, chaque semaine, on fait 2h de « natation course ». Et tous nos entraînements commencent toujours par un échauffement de natation classique. Néanmoins, meilleure on est en natation course, meilleure on sera en natation synchronisée car l’on doit se déplacer très rapidement. C’est primordial aussi pour le cardio. Lorsque l’on n’a pas encore nos chorégraphies en début de saison, on fait beaucoup de 400m car c’est l’équivalent de 4 minutes, le temps d’une chorée et donc de l’effort que l’on va devoir fournir.

Comment décrirais-tu ta discipline : la natation synchronisée ?

Premièrement, on ne touche pas le sol (rires) ! Souvent les gens me demandent si on touche le sol et je réponds que pas du tout et que l’on a même des points de pénalité si on le fait. Ensuite, la « synchro », c’est vraiment un sport complet qui demande donc de nombreuses qualités. Ce sport mêle la grâce, la danse et aussi la force car on a besoin de beaucoup de puissance.

Quelles sont les qualités indéniables pour pouvoir performer dans cette discipline ?

Il faut être souple mais aussi avoir les muscles nécessaires pour pouvoir se porter dans l’eau. Il faut également à avoir le sens du rythme même si cela se travaille et bien entendu être gracieuse.

Quelles sont les qualités qui font que Maureen Jenkins est en équipe de France ?

On me dit souvent que j’ai de la présence ce qui veut dire que lorsque l’on a la tête hors de l’eau, je suis ouverte et on a envie de me regarder. En fait, il faut donner l’impression aux gens que ce que tu es en train de faire est facile et ainsi mieux tu réussies. J’ai également une très bonne technique avec des bases très solides.

Tu as fait beaucoup de compétitions avec une certaine Eve Planeix, êtes-vous amie dans la vie ?

Depuis 2014, on évoluait en duo et cela s’est arrêté l’année dernière pour se concentrer sur l’équipe. On s’entend super bien dans l’eau car on a un peu près les mêmes qualités. On était toutes les deux des solistes et du coup en duo, cela fonctionnait plutôt bien. Après, hors de l’eau, on est amie mais ce n’est pas une de mes meilleures amies car on est différente et on sait faire la part des choses. Notre relation est surtout professionnelle et on sait ce que l’on doit accomplir dans le bassin. On est en équipe toutes les deux désormais mais pourquoi pas se retrouver en duo pour Paris 2024 !

Comment est l’ambiance dans l’équipe ?

Il y a beaucoup de concurrence car on veut toutes être dans l’équipe, on est 14 à l’INSEP et seulement 8 qui nagent. Néanmoins, c’est un sport d’équipe et on s’entend toutes super bien. Après lorsque l’on arrive à l’entraînement, il n’y a que la performance qui compte avec un seul objectif en tête : qualifier l’équipe pour les JO de Tokyo en 2020.

 

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Pour toi, pourquoi la natation synchronisée devrait être plus médiatisée ?

Parce que c’est le sport le plus dur de la vie entière (rires) ! Je trouve cela dommage que l’on ne parle pas plus de la natation synchronisée car du coup beaucoup de gens ne connaissent pas et ne savent ce que c’est. C’est une discipline où on s’entraîne et on s’investit énormément et franchement elle mériterait d’être plus connue.

Forcément, on en parle dans l’équipe et parfois on est dégoûtée car on voit d’autres sports qui sont médiatisés alors que souvent ils s’entraînent beaucoup moins que nous. Honnêtement, si déjà on avait le droit aux championnats du Monde à la télé, cela serait une réussite.

Tu as pu participer au tournage du film de Gilles Lelouche « Le Grand Bain », peux-tu nous en parler ?

Les acteurs sont venus à la piscine et nous ont demandé de leur apprendre à faire de la « synchro ». Ils se sont retrouvés dans l’eau et c’était assez drôle car certains ne savaient pas très bien nagés et il y en avait même un qui avait peur de l’eau. C’était pas facile pour eux et nous leur avons monté la chorégraphie de fin de film. On l’a inventé, on leur a montré et cela leur a plu.

Au début, on a essayé de leur apprendre à sec, c’est-à-dire que l’on mimait nos jambes avec nos bras et on échangeait beaucoup avec eux. Puis il y a eu des doublures qui ont fait les jambes, pas nous, car nous avons les jambes trop fines même si une de mes coéquipières, Marianka, l’a fait pour un des acteurs. Concernant la chorégraphie, c’est quelque chose d’extrêmement simple pour nous, c’était basique. Néanmoins, il a tout de même fallu faire venir des doublures. A la fin, ils nous ont remercié et étaient impressionnés par la difficulté de la natation synchronisée.

Et la « synchro » pour les hommes, tu en penses quoi ?

Cela dépend de comment c’est fait (rires). Je pense que la natation synchronisée, cela pourrait devenir un sport masculin car les hommes ont beaucoup de puissance. On a notamment pu le voir avec les acteurs lors des phases de portée où il pouvait envoyer plus haut un coéquipier que nous entre filles car ils ont plus de force. Si nous, on accentue le côté « grâce », on peut imaginer qu’ils fassent des chorégraphies beaucoup plus masculines et cela pourrait être top. Par exemple, aux championnats du Monde, il y a une épreuve de duo mixte. C’est l’une de mes préférées et c’est super à regarder. D’ailleurs si quelqu’un veut devenir mon partenaire de duo mixte, je suis tout ouïe (rires).

Y a-t-il des pays où la natation synchronisée est très populaire ?

Déjà, si on est honnête, dans la plupart des pays, c’est plus populaire qu’en France (rires). En Russie par exemple c’est extrêmement populaire. Elles sont championnes olympiques donc cela aide forcément mais c’est également culturel. Elles débutent à 3 ans et directement au haut niveau alors que moi, j’ai commencé à 7 ans et comme loisir. Mais si on regarde en Espagne, un pays que l’on peut comparer à la France, toutes les compétitions (Coupes du monde, Mondiaux, championnats d’Europe) sont diffusées sur la télévision espagnole. Ma famille, qui est en Espagne, voit toutes mes compétitions alors que ma mère et mon père, ils ne voient rien car en France, ce n’est pas jamais diffusé. En plus au niveau mondial, on n’est pas loin car on est 9ème et les Espagnols 6ème.

Comprends-tu pourquoi l’école russe est la meilleure au monde ?

Oui car j’ai pu faire deux stages là-bas notamment un qui suivait les championnats de Russie auxquels j’avais participé. Moi j’arrive en tant que championne de France et je termine 80ème donc je me dis qu’il y a un truc qui ne va pas. Etant donné que c’est une discipline connue sur le sol russe, il y a forcément plus de pratiquants et donc plus de concurrence. Et puis la grosse différence, c’est que c’est un sport professionnel en Russie. Elles font que cela, même pas d’études alors que nous, on doit suivre un cursus scolaire car à la fin de notre carrière, il faut que l’on trouve un travail.

Participer aux JO de Tokyo puis à ceux de Paris, ce sont les deux gros objectifs de ta carrière ?

Oui ! Cela fait depuis 2000 que la France n’est pas qualifiée en équipe aux JO. Cette année, on a la chance de pouvoir se qualifier pour Tokyo 2020, on doit juste battre une seule équipe. Ensuite, pour Paris 2024, cela sera différent car on est d’ores et déjà qualifiées en tant que pays hôte. On aura l’objectif de faire une grosse performance et de pourquoi pas se rapprocher du podium.

Ton père t’a parlé des Jeux Olympiques et de ce qu’il avait ressenti en 1984 à Sarajevo ?

En vrai, il ne m’en a jamais trop parlé ! Il m’a quand même dit que c’était une expérience hors du commun et qu’il s’en souviendrait toute sa vie. Il n’avait pas vraiment les mots pour l’expliquer et m’a simplement dit que je devais les vivre par moi-même et que je comprendrais à mon tour.

Une carrière, cela dure combien de temps en natation synchronisée ?

A partir de 26 ans, il est temps d’arrêter ! A ce moment-là, le corps peut dire stop mais c’est surtout le mental qui lâche car on s’entraîne 9 heures par jour, de 40 à 45 heures par semaine. Et c’est toujours pareil, vu que l’on est pas professionnelle, difficile d’aller plus loin que 25 ans.

Comment gères-tu tes réseaux sociaux et notamment Instagram ? Quelle image souhaites-tu renvoyer ?

Je trouve cela important comme tout le monde ! Au début, ce n’était pas forcément naturel de poster car je voulais réservé cela à mes amis et ma famille. Après, pour faire connaître la « synchro », il faut s’en servir assez souvent et j’aime bien montrer mon quotidien et la difficulté de performer dans cette discipline. On se réveille tôt, on termine tard…Et forcément, des gens te suivent et t’encouragent donc cela fait plaisir.

Concernant mon image, ce qui est important c’est que cela me ressemble et que je reste la plus naturelle possible.

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