La Formule E vue par le rookie Andre Lotterer

Interview

La Formule E vue par le rookie Andre Lotterer

Andre Lotterer, triple vainqueur des 24h du Mans, pilote passé par la Formule 1, l'Endurance et la Formule Nippone notamment, découvre à 36 ans la nouvelle discipline automobile qui monte la Formule E. Ce pilote complet nous parle de cette nouvelle expérience et du futur radieux de la Formule E !

Comment un pilote comme toi qui a connu l’Endurance, la Formule Nippon mais également un GP de Formule 1 se retrouve aujourd’hui en Formule E ?

Les temps changent ! Aujourd’hui, la Formule E est en saison 4 donc cela prouve que cette discipline a réussi à se faire une vraie place dans le monde de l’automobile. Au début, c’est sûr que l’on n’y croyait pas trop et surtout de mon côté, j’étais dans une bonne situation en Endurance avec Audi puis Porsche. Ensuite, Audi s’est retiré du Mans puis je suis allé chez Porsche et eux aussi se sont retirés. Du côté des constructeurs, la plupart se lancent dans la Formule E car ils investissent tous dans les moteurs électriques. En effet, aller en Formule E a du sens car cela leur permet de continuer leur développement en utilisant le sport automobile comme plateforme. Ainsi, vu que la discipline a rapidement grandi et que les courses sont vraiment intéressantes, cela a fini par m’intéresser. Et vu que je cherchais un nouveau challenge, il devenait évident que ma place était dans le championnat en vogue et dont le futur s’annonce radieux.

Avais-tu déjà eu des propositions pour faire de la Formule E avant cette saison ?

Tout au début quand la Formule E commençait, ils ont essayé de recruter pas mal de pilotes de plusieurs horizons et j’en faisais partie. Néanmoins, j’étais très bien où j’étais, en WEC (World Endurance Championship) et en parallèle aussi au Japon en Formule Nippon. Donc cela ne m’avait pas intéressé à l’époque. Puis par la suite, c’est devenu un championnat de plus en plus spécifique et forcément difficile pour les pilotes qui n’ont pas d’expérience en Formule E. En effet, le pilotage est complètement différent et je reconnais que j’ai eu beaucoup de chance d’être recruté par l’écurie Techeetah au moment où j’ai décidé de me lancer dans l’aventure Formule E.

Avant d’arriver en Formule E, avais-tu déjà regardé une course ?

Oui bien sûr, je m’étais déjà rendu sur des E-Prix, à Londres notamment. Et puis je regardais des courses à la télé ou même en live streaming car les bagarres sont vraiment intéressantes et que j’ai pas mal de collègues qui roulent dans le championnat. C’est toujours enrichissant et intéressant de voir qui fait quoi !

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Cela fait quoi d’être un rookie ?

C’est marrant d’être rookie à 36 ans mais cela n’a pas été évident au début. Le championnat est très particulier car il faut gérer le pilotage de la voiture qui est atypique avec des pneus profilés, une répartition des masses qui n’est pas idéale car la batterie est encore assez lourde à l’heure actuelle et donc des voitures pas faciles à gérer lors des freinages. De plus, on a zéro droit à l’erreur car les circuits en ville sont très sinueux et à la moindre faute on finit dans le mur. Pour éviter cela, il est important de faire beaucoup de kilomètres mais comme on est une écurie privée, je n’ai pas eu l’occasion de rouler énormément. En tant que « team privée », nous n’avons que 3 jours de test avant le début de la saison donc pour moi les premières courses ont été difficiles. Je m’en doutais et cela faisait partie du jeu en tant que nouveau dans ce championnat. En plus, des pilotes sont présents depuis la saison 1 donc pour les concurrencer, il a fallu beaucoup travailler, faire des erreurs et apprendre.

Finalement, cela s’est plutôt bien passé car dès le troisième évènement à Santiago du Chili, j’étais devant et j’ai fini sur le podium à la 2ème place. Ce résultat m’a donné beaucoup de confiance mais honnêtement c’est très difficile. Pour moi, depuis le début de ma carrière, c’est le championnat le plus difficile dans lequel je cours car tout se passe en une journée, on commence à 8h du matin, on saute d’une voiture à l’autre et tout va à mille à l’heure. Aujourd’hui, je suis de mieux en mieux dans le championnat et je prends du plaisir.

Quelles ont été tes premières impressions sur cette nouvelle discipline ?

Premièrement, c’est l’électrique évidemment ! Ensuite, il n’y pas de changement de vitesse car le moteur n’a qu’une vitesse, les pneus sont profilés alors que l’on est habitué à des pneus slicks. L’aérodynamisme est aussi très différent car même si on a des ailerons, ceux-ci ne génèrent pas énormément d’appuis car nos vitesses ne sont pas tellement élevées. On va au maximum à 220 km/h et dans des circuits citadins très étroits, c’est particulier. Il y aussi le fait de gérer l’énergie, c’est quelque chose que je connaissais en WEC car on avait une énergie limitée par tour mais en Formule E, on a beaucoup plus de responsabilités à ce niveau-là. Rien n’est automatisé et c’est à nous de gérer l’énergie le mieux possible et de manière efficace. En gros, utiliser le moins possible d’énergie et rouler le plus vite possible en même temps. On doit régénérer l’énergie manuellement entre le moment où on lâche l’accélérateur et le point de freinage donc à chaque virage, il y a une manipulation à faire et c’est très spécifique à la Formule E. On a également deux voitures et donc on doit sauter de l’une à l’autre. Il y a plein de spécificités techniques propres à la Formule E mais le pilotage est également l’un doit être évident car il n’y a qu’une seule trajectoire et donc dès qu’on la quitte, on récolte énormément de poussière et on se retrouve rapidement dans le mur.

Que penses-tu des circuits urbains ?

C’est très particulier, cela n’a rien à voir avec ce que l’on connaît comme Spa, le Nürburgring ou Suzuka. Ce sont des circuits parfois très très sinueux.  Il y a également des épingles qui sont extrêmement étroites mais heureusement la voiture a énormément de rayon de braquage. Normalement, ce n’est pas habituel de devoir faire deux tours de volant avec une voiture de course mais là, c’est un peu un mix entre du rallye et de la monoplace et c’est cela qui rend les choses intéressantes. Surtout en course car l’on gère l’énergie et il y a pas mal de moyens de dépassement mais comme c’est super étroit, cela rend la chose très compliquée. Et puis, il y a différents asphaltes à chaque virage ou encore des bosses énormes, c’est particulier mais un super challenge.

En plus ce qui est génial lors des courses en ville, c’est que l’on vient vers les gens et le message que l’on transmet qui est de faire du sport auto en électrique est très actuel et novateur dans cet univers. On a vraiment rempli un trou dans le sport automobile global et aller dans des endroits dingues comme au Chili où il n’y avait jamais eu de course en ville, à Rome où il y avait énormément de monde, ou encore à Zurich pour la première fois depuis 1950 où cela avait été interdit, c’est exceptionnel. Il y a beaucoup d’avantages et on accède à de nouveaux fans et de nouveaux partenaires. Et enfin, le weekend, on peut se balader en ville et on est pas au milieu de nulle part.

« Quand l'on fait le track walk pour examiner le circuit, on se dit oulala, on va passer là »

Andre Lotterer

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La Formule E vue par le rookie Andre Lotterer - De droite à gauche, Lucas Di Grassi (BRA), Audi Sport ABT Schaeffler, Sebastien Buemi (SUI), Renault e.Dams, Nelson Piquet Jr. (BRA), Panasonic Jaguar Racing and Luca Filippi (ITA), NIO Formula E Team. - De droite à gauche, Lucas Di Grassi (BRA), Audi Sport ABT Schaeffler, Sebastien Buemi (SUI), Renault e.Dams, Nelson Piquet Jr. (BRA), Panasonic Jaguar Racing and Luca Filippi (ITA), NIO Formula E Team.

Que penses-tu du plateau de pilotes en Formule E  avec des anciens pilotes de F1, de WTCC ou d’endurance comme toi ?

Le plateau est très élevé ! Il y a vraiment un mix de tout avec des pilotes d’expérience, des nouveaux talents, des top-pilotes du moment donc ce n’est pas facile de jouer devant. Ce qui rend la Formule E très particulière, c’est que c’est très difficile même pour les pilotes habitués au championnat de tout gérer de manière efficace. En effet, si on n’est pas trop en confiance ou si on se loupe un petit peu, tout de suite le weekend est foutu et cela arrive même aux meilleurs.

« Je suis un Petrolhead, j'ai de l'essence dans le sang ! »

Andre Lotterer

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As-tu vu ta popularité augmenter avec la Formule E ?

Je pense oui ! Tout d’abord car la Formule E est diffusée dans le monde entier et le concept a fini par prendre. Ensuite, le feedback est très intéressant car les gens commencent de plus en plus à regarder les courses car elles sont animées voire parfois dramatiques et le suspense est souvent à son comble. Convaincre les fans de sport automobile traditionnel, habitués aux voitures qui font beaucoup de bruit, n’était pas une tâche facile mais on y arrive doucement.

Toi qui a un peu connu la Formule 1, l’ambiance est différente en Formule E ?

En Formule E, je retrouve un peu l’ambiance qu’il peut y avoir en Endurance. Du fait qu’il y est un esprit de camaraderie entre les pilotes car on sait tous comment la Formule E peut-être difficile. On sait que lorsque l’un a un incident de course, parfois grave, cela peut nous arriver aussi donc on est très soudé. Et puis il y a plein de chouettes personnalités ce qui nous permet de passer de supers moments ensemble. Même s’il y a quand même beaucoup de rivalité, ce n’est pas comme la F1 où tout le monde reste dans son coin et est très sérieux.

Andre Lotterer, une deuxième saison en Formule E, c’est possible ?

Totalement ! J’ai un contrat de plusieurs années avec l’équipe et cela n’aurait pas servi à grand chose de ne participer à ce championnat qu’une année. A l’heure actuelle, je suis plus ou moins satisfait mais je ne le serai que si je gagne une course cette saison et pourquoi pas jouer le championnat la saison prochaine ;)

Et découvrez l’interview « En Vrai » d’Andre Lotterer

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