Juliette Bossu, gymnaste jusqu’au bout

Interview

Juliette Bossu, gymnaste jusqu’au bout

La gymnastique artistique française côté féminin ne s'est jamais aussi bien portée qu'en ce moment. Et il faudra absolument suivre cette équipe qui pourrait nous apporter une belle surprise aux JO de Tokyo !

La gymnastique, voilà un sport qui présente de nombreuses vertus que cela soit pour les petits garçons ou les petites filles qui le pratique. Mais cette discipline apporte également certains désavantages comme le toujours délicat problème de croissance. Sport olympique par excellence, la gymnastique va avoir son quart d’heure de gloire cette année avec les Jeux Olympiques de Tokyo et l’équipe de France pourrait bien réaliser une belle performance grâce à des athlètes au sommet de leur art. Ainsi, Beside Sport a décidé de vous présenter Juliette Bossu, toute jeune retraitée des tapis, qui était de toutes les dernières belles aventures de l’équipe de France. Lâchée par son corps et notamment ses jambes après des années de durs labeurs à l’entraînement et en compétition, Juliette revient sur sa première vie qui fut en presque tout point une réussite !

Juliette, peux-tu te présenter ? Age ? Palmarès ?

Je m’appelle Juliette Bossu, j’ai 20 ans. Je suis retraitée depuis peu mais j’étais sportive de haut niveau en gymnastique artistique féminine. Concernant les plus grandes lignes de mon palmarès, je suis vice-championne d’Europe par équipes, 5ème mondiale également, une médaille d’or en Coupe du monde à Bercy, le tout en 2018. Et puis de 2014 à 2019, j’ai eu une dizaine de médailles au championnat de France…environ !

Dans quel environnement familial as-tu grandi ?

Je suis la cadette d’une famille de 3 enfants avec une soeur qui a 2 ans de plus et un petit frère qui a 5 ans de moins que moi. J’ai toujours été très très proche de mon frère et de ma soeur ainsi que de mes parents. J’ai dû quitter ma famille quand j’avais 13 ans pour aller m’entraîner à Saint-Etienne. A l’origine, je viens de Mulhouse donc cela fut très délicat de quitter mes proches et c’est la raison principale pour laquelle je ne voulais pas aller au Pôle France. Mon club m’a beaucoup poussé pour que je tente l’expérience afin de ne pas regretter et donc j’ai fini par accepter de tester. Dans ma tête, je me disais « fais semblant, essaie pendant un mois, et tu diras que cela ne te plaît pas et tu rentreras » et finalement je suis restée 7 ans (rires).

 

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L.A 2004

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Tes parents étaient sportifs ?

Mon père est très sportif et a toujours fait beaucoup de course à pied et de ski de fond. Ma mère, elle, faisait de la gymnastique plus jeune en Suède car elle est suédoise. Et pour la petite anecdote, elle s’est entraînée une fois avec Nadia Comaneci qui était en stage en Suède. Néanmoins, que cela soit ma mère ou mon père, aucun des deux n’a connu le haut niveau.

Que représente la Suède dans ta vie ?

J’ai été quasiment élevée que par ma mère car mon père travaillait beaucoup lorsqu’on était jeune. Et lors des premières années de ma vie, je n’ai pas beaucoup vu ma mère non plus car elle était hôtesse de l’air. Mais grâce à son métier, cela nous a permis de voyager énormément et donc d’aller très souvent en Suède. Dès que l’on avait des vacances scolaires, j’étais toujours là-bas. Même si je n’ai jamais vécu en Suède, j’ai une culture suédoise très forte. J’allais à Västerås qui est environ à 1h au nord de Stockholm. Je parle suédois et je continue toujours à aller au moins 2 fois par an, vacances d’été et Noël, là-bas.

Après je suis plus latine dans ma façon d’être mais pour l’anecdote, je ne connais rien à la gastronomie française car c’est ma mère qui cuisinait. Du coup, mes repas, c’était à base de petites pommes de terre (sans enlever la peau), du gravelax, beaucoup de poissons avec des herbes comme de l’aneth. Ah oui et j’adore le hareng…mais j’imagine qu’il faut être habitué (rires) !

Ton enfance à Mulhouse ressemblait à quoi ?

J’ai eu une enfance basique, je pense. J’aimais bien l’école et jusqu’au CM2, je suivais le cursus normal et je m’entraînais 5 fois par semaine à raison de 12h-15h par semaine. Et ensuite, quand je suis passée au collège, j’ai eu des horaires aménagés avec 25h d’entraînement de gymnastique par semaine. A partir de là, il y avait les gens normaux et nous donc c’est vrai que pour se faire des amis, c’était très difficile…malgré le fait que j’ai toujours été une fille très sociable. On nous voyait un peu comme des extraterrestres. Mais honnêtement, j’étais dans ma bulle et cela ne m’a jamais vraiment travaillé !

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Comment as-tu découvert la gymnastique ?

La première fois que j’ai mis les pieds dans une salle de gymnastique, c’était à 2 ans. Ma grande soeur avait une copine qui faisait de la gymnastique et elle voulait essayer. Du coup, je voulais absolument accompagner ma soeur mais je ne pouvais pas car j’étais vraiment petite et qu’il n’y avait pas d’assurance. Mais j’ai tellement pleuré que mes parents m’ont laissé faire. Voilà ma première histoire avec la gymnastique (rires) !

« Rapidement, c'est devenu un mode de vie car la gym c'est compliqué et lorsque l'on y pense, il y a un côté attraction-répulsion. »

Juliette Bossu

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Qu’est-ce qui t’a rapidement plu dans la gymnastique ?

Petite, je pense que c’était surtout le fait de se dépenser car j’étais vraiment vraiment hyperactive comme enfant. J’avais toujours besoin de bouger, j’étais la seule de ma famille qui ne dormait jamais et même en faisant du sport, je ne dormais pas. Et puis lorsque l’on est petit, on ne pense pas forcément gym mais plutôt trampoline, barres,…Par la suite, il y a des moments où on n’a pas envie d’aller à l’entraînement mais on ne se pose pas vraiment la question car ce n’est pas un choix mais un devoir…comme l’école finalement.

Et il ne faut pas croire que c’était la volonté de mes parents, ma mère m’a toujours dit que si je voulais arrêter, il n’y avait pas de soucis. Dans ma tête, c’était comme cela et voilà tout.

Et tu préférais avoir de bonnes notes à l’école ou performer en gymnastique ?

Je pense que si j’avais dû choisir entre les deux, j’aurais pris la gym. Clairement les bonnes notes à l’école, je les avais car j’avais beaucoup de facilités. Mais je n’ai jamais appris à beaucoup travailler et je l’ai payé au lycée (rires). La gym, ce n’est pas pareil car même si on veut et que l’on donne son maximum, cela ne marche pas forcément. Ce que l’on comprend avec l’âge, c’est que le travail, ça finit toujours par payer.

Quels sont les agrès qui t’ont tout de suite plu ?

Lorsque j’étais apte à faire les 4 agrès, c’était assez aléatoire mais j’ai toujours adoré le sol. C’était mon agrès fort et j’étais très douée. En 2015, j’ai participé au Festival Olympique de la Jeunesse Européenne (FOJE) et je me suis qualifiée première au sol. En finale, j’avais trop de pression et j’ai fini 3ème ex-aequo. J’avais vraiment de grosses qualités pour performer au sol car j’étais légère, forte en vrille et très explosive.

Par la suite, j’ai grandi puis beaucoup grandi et cela est devenu compliqué notamment car je me suis blessée au genou. Cela ne guérissait pas et j’ai dû arrêter les 3 autres agrès (jambes) et me mettre à ne pratiquer que les barres. C’est l’agrès où j’étais la moins forte voire nulle car petite, j’ai longtemps eu très peur. Comme je me suis mise à ne faire que cela, j’ai progressé et je suis devenue la meilleure française aux barres.

Quelles sont les qualités qui font que Juliette Bossu est une très bonne gymnaste ?

Mon point fort, c’était mon physique que l’on considérait comme parfait pour une gymnaste. J’étais très fine et assez longiligne. Par la suite, j’ai grandi voire trop grandi (1m68) et j’étais un peu trop grande pour être une bonne gymnaste. Mon physique m’a toujours servi car cela plaît aux juges de voir une belle gymnaste sur le praticable. J’avais déjà cette chance à la base mais j’ai dû beaucoup travailler pour rendre ma gym gracieuse.

Pour toi, la gym est un sport individuel ou d’équipe ?

En premier lieu, c’est un sport individuel. Mais mes meilleurs souvenirs ont toujours été en compétition depuis toute petite. C’est peut-être plus prestigieux de gagner seul mais ce n’est pas le même plaisir en équipe. Quand on se regarde toutes dans les yeux et que l’on se dit qu’on l’a fait, c’est génial !

Quelle est l’ambiance entre toutes les filles ?

Les gymnastes avec qui j’évoluais, on mangeait ensemble, on dormait ensemble, on allait à la gym ensemble, on allait à l’école ensemble donc on parle presque de soeurs. Pour ma part, cela s’est toujours plutôt bien passé et je n’avais pas de sentiment de jalousie ou de compétition avec elles. Après il y a toujours des clashs et quand j’ai décidé de partir, certaines filles, avec qui j’étais très proche, ont décidé de ne plus me parler.

« Les compétitions individuelles, c'était chiant. Tu réussis, t'es toute seule et tu rates, t'es toute seule. »

Juliette Bossu

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Malgré un très beau palmarès, il est difficile de concurrencer les Russes, les Chinoises ou encore les Américaines. Pourquoi ?

Les Américaines sont vraiment au-dessus et c’est difficile à expliquer car nous-mêmes, on ne sait pas exactement pourquoi (rires) ! Je pense que c’est un tout, un état d’esprit et beaucoup beaucoup de travail. Clairement, il y a eu une période où la France était nulle. J’étais junior et il n’y avait personne. Aujourd’hui, la France est en train d’éclore et l’équipe fait partie des meilleures nations mondiales. Je sais que l’on fait peur à certaines nations avec lesquelles on ne pensait même pas rivaliser que cela soit les Russes, les Chinoises ou les Italiennes. Après, les Américaines restent intouchables. Autant, on comprend que les Chinoises performent quand on voit, malheureusement, comment elles sont traitées petites mais j’ai fait des stages aux USA et oui il y a « l’American Spirit » et elles savent pourquoi elles sont là mais en dehors de la gymnastique, elles ont une vie normale.

Pour toi, Simone Biles, c’est une extraterrestre ?

Un peu ! J’ai eu la chance de faire un stage dans son club et c’est quelqu’un de normal, elle est très sympathique, souriante…après au niveau de la performance, c’est incroyable. Il faut quand même dire qu’elle fait 1m45, qu’elle est extrêmement musclée et qu’elle a le morphotype parfait pour faire des choses folles.

 

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world silver bar medalist 🥈 I CANT BELIEVE IT

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« Je pense que l'on a beaucoup de chance de vivre à l'époque de Simone Biles car je mets ma main à couper que l'on ne verra jamais plus forte qu'elle »

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Nadia Comaneci, on en parle encore dans les écoles de gymnastique ?

Cela fait partie de l’histoire de la gymnastique ! Alors la gymnastique a beaucoup évolué forcément mais elle représentait la gymnaste parfaite avec le premier 10 reçu en compétition. C’est une légende !

La gymnastique, cela empêche vraiment la croissance ?

Oui clairement ! Je fais 1m68 mais dans ma famille, tout le monde est beaucoup plus grand que moi. J’aurais pu faire 1m72 je pense car ma mère fait 1m74 et ma soeur 1m76.

Ton corps, tu lui as fait du mal avec la gymnastique ?

Oui c’est sûr ! Après je ne changerais rien car j’ai vécu des choses incroyables et que la gymnastique est une école de vie. J’ai été indépendante et mature très vite et je le dois à la gymnastique. On dit que le sport, c’est bon pour la santé mais le sport à outrance, ce n’est pas bon surtout pour des jeunes filles en pleine croissance. Pour être tout à fait honnête, j’ai les deux genoux fracassés. Même si cela va mieux aujourd’hui, cela fait 5 ans que j’ai les genoux cassés et je ne sais pas si je serai guérie un jour. Pendant 2 ans, toutes les nuits, je me réveillais car j’avais trop mal. Je pleurais, je me massais avec de la crème anti-inflammatoire, je ne pouvais ni marcher normalement ni même monter les escaliers. Le pire dans tout ça, c’est que mes entraîneurs pensaient que j’en rajoutais et heureusement mes parents les ont alerté et je suis allée passer des radios. Et là, j’avais les deux tendons rotuliens déchirés et ce n’est pas comme un ligament, si cela casse, la rotule remonte et je n’ai plus de genou. A ce moment-là, j’ai arrêté le sol.

 

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[2002-2019]🇫🇷👋🏼 Aujourd’hui se ferme un énorme chapitre si ce n’est l’unique chapitre de ma vie, la gym. J’ai souvent penser au moment où j’arrêterais en me disant « c’est pas possible ça n’arrivera jamais, je vois pas ma vie sans faire de gym ». Et me voilà. C’est difficile dans le sens où j’ai eu l’impression de ne pas avoir eu 100 % le choix, mais si je m’en vais c’est qu’il y a mieux ailleurs. La gym m’a permis d’apprendre, de m’épanouir et surtout m’a fait grandir. Je n’arrive pas à exprimé l’honneur que ça a été de représenter mon pays durant ces 6 années et le bonheur que j’ai pu ressentir quand j’entendais la marseillaise sur les podiums. Ça a été des hauts et des bas, mais je ne regrette absolument rien et j’en retiendrais que le positif. Cette décision n’a pas été simple à prendre, je continuais à aimer la gym, mais j’ai besoin de repos et de guérir physiquement et moralement. Je remercie toutes les personnes qui ont croisé mon chemin durant ces 17 années, vous avez tous eu un rôle spéciale dans ma carrière : Entraîneurs, camarades d’entraînement, amis, et bien sûr ma famille sans qui je n’aurais jamais fais tout ça et sans qui je n’en serais pas là aujourd’hui. Vous allez tous beaucoup me manquer, surtout toutes mes sœurs de Saint-Etienne et celles de l’équipe de France. Merci à vous tous aussi, de m’avoir soutenu tout au long de cette aventure. C’est certes la fin de ma carrière de haut niveau en tant que gymnaste de l’équipe de France, mais ce n’est que le commencement d’un nouveau livre que j’ai hâte de démarrer (j’ai beaucoup trop peur). Plus sérieusement je laisse le destin me guider et c’est des projets pleins la tête que j’entame ce chapitre 2.

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Tu as pris ta retraite à 19 ans. Cela fait bizarre ? Comment vois-tu ta vie sans la gymnastique ?

C’était une décision très difficile à prendre ! J’en ai discuté avec ma famille et j’ai passé des soirées en pleurs en me demandant ce que j’allais faire si j’arrêtais la gym. C’était un vrai dilemme car c’était toute ma vie et donc clairement, je ne savais rien faire d’autre. En 2018-2019, j’ai passé la pire année de ma vie en restant enfermée dans la salle de gym à m’entraîner seule et en plus j’habitais également seule. C’était très compliqué car je travaillais beaucoup beaucoup et clairement je n’y arrivais pas trop. Et aux championnats de France, je ne suis pas arrivée sereine malgré tout mon travail et j’ai fini championne de France aux barres.

Et le soir suite à ma victoire, la responsable de la Fédération vient me parler et me dit : « Bravo mais de toute façon, tu ne feras pas partie de l’équipe de France pour la préparation aux championnats du monde ou aux JO. Selon elle, je faisais qu’un agrès donc je ne rentrais pas dans les critères.  » Ce fut un premier coup de massue car je ne savais plus pourquoi je continuais. J’ai décidé de continuer mais mon coach m’a tout de suite fait comprendre qu’il valait mieux que j’arrête. Donc deuxième coup de massue et là je suis partie en vacances pour réfléchir. J’ai passé les meilleures vacances de ma vie et à mon retour, j’ai décidé d’arrêter. Deux semaines après, j’ai su que c’était la bonne décision. J’avais tellement la tête dans le guidon que je ne me rendais plus compte de ce qui était bien pour moi ou pas.

Pourquoi la gymnastique a du mal à percer médiatiquement en France ?

Pour moi, je trouve cela triste mais c’est dans les moeurs que la gymnastique n’ait jamais été très médiatisée et forcément, difficile de faire bouger cela. Et encore, c’est mieux qu’avant car c’est diffusé à la télévision.

Quelle est ta relation aux réseaux sociaux et notamment à Instagram ? Quelle image souhaites-tu montrer ?

Il y a un 1 ou 2 ans, j’étais très très réseaux sociaux et surtout Instagram. Je postais énormément, je faisais beaucoup de stories. Mais j’ai pris pas mal de recul notamment avec ce qu’il s’est passé pour moi dans la gym et du coup, j’ai même pensé à supprimer tous mes réseaux sociaux. Finalement, j’ai simplement supprimé presque 200 posts. J’ai eu un ras-le-bol de tout ça et je suis devenue assez pudique sur les réseaux. Mais actuellement, mon envie de poster revient mais je ne veux pas passer du tout au tout donc je fais cela progressivement et on verra comment ça évolue.

 

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